Bourgeoisie marocaine et élections : le pari de Pascal ?

A quelques semaines du scrutin législatif anticipé, l’on observe un curieux mouvement de la part d’une certaine « élite » marocaine, qui semble de moins en moins insensible aux sirènes du parti islamiste marocain, le PJD. A coup de « pourquoi pas eux, c’est leur tour… » , la bourgeoisie marocaine est en train de donner au mouvement islamiste un vernis de respectabilité qui ne pouvait pas faire plus plaisir aux dirigeants du parti de la lampe, qui étaient précisément en quête d’honorabilité. Le PJD a ainsi amorcé une campagne ciblée  de « blanchiment idéologique » de plus en marquée, et courtise les quelques milliers de nantis de Casablanca et Rabat, dans l’espoir de convertir ceux qu’il croit être des prescripteurs d’opinion. Ce calcul n’est pas anodin, car le PJD, en voulant s’attacher les grâces de la bourgeoisie marocaine, souhaite montrer qu’il a effectué son aggiornamento idéologique et qu’il ne serait plus tabou pour le Maroc d’avoir un parti islamiste au sein du gouvernement, voire qu’il en prenne la tête.  Cette stratégie poursuivie par le PJD et son secrétaire général, Abdellilah Benkirane, a pour objectif principal de montrer qu’il ne faut pas avoir peur d’une montée des islamistes, surtout lorsque ces derniers auraient « allégé » leur programme de tous les sujets qui fâchent. Faut il croire pour autant  à un PJD « light » ? Il est ici utile de rappeler que le Maroc- bien  que le parallèle soit de plus en plus tracé la  presse – n’est pas la Turquie, et surtout , n’est pas un pas un pays laïc .

Le Royaume est un pays où le référentiel islamique ne saurait être pris en otage par une frange ou un clan, puisque le chemin religieux est tracé par l’institution monarchique, qui fait l’objet d’un large consensus au sein de la population. De la part de cette élite qui veut rendre le PJD fréquentable, l’on est donc en droit de penser qu’elle est en train de faire le pari de Pascal. Ainsi, selon ce dernier :  « Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter ».

En clair, les bourgeois veulent se ménager plusieurs fers au feu,  et ce « juste au cas où ». Mais à trop vouloir être dans une position « molle », dans laquelle ils  veulent se rapprocher du PJD en pensant qu’il faut ménager de bonnes relations avec les islamistes, certaines élites marocaines sont en train d’emprunter un chemin qui a joué bien des tours à d’autres pays arabes, et qui a conduit à des situations extrêmement graves. Ainsi, il est de notoriété publique que de riches familles du golfe, croyant acheter la paix sociale, ont financé des mouvements de bienfaisance qui cachaient en réalité des structures sophistiquées de financement du terrorisme international.

Cependant, limiter les raisons de l’appui à des branches extrêmes par les bourgeois à l’application du pari de Pascal serait céder à une vision simpliste. L’autre raison qui pousse certaines élites bourgeoises marocaines à soutenir –même financièrement- le PJD est à trouver dans un autre sentiment : la culpabilité. En effet, les conditions « exotiques » dans lesquelles se sont construites certaines fortunes considérables semblent pousser les heureux dépositaires de ces magots à une forme de culpabilité qui les pousse à gratifier le parti de la lampe de prébendes, juste pour qu’il s rappelle des « gentils bienfaiteurs de la première heure »  si jamais il venait à réaliser un bon score lors des législatives. Reste pour le PJD à réaliser un bon score, tâche qui ne semble pas de tout repos au vu des évolutions récentes du champ politique marocain….

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