Justice : ce corps malade qui attend le rétablissement

Fès a accueilli le week-end dernier une conférence régionale sur la réforme de la justice pénale. Une rencontre qui s’inscrit dans le sillage du dialogue national en cours pour la réforme de la justice.

Pour une fois, le ministère de la justice n’y est pas allé de main morte. Le rapport sur la justice pénale présenté par Taieb Cherkaoui, le directeur des affaires pénales et de la grâce, a décliné un diagnostic sans complaisance. Les tribunaux du pays sont surchargés et croulent sous le nombre cumulé des cas non traités. En face, des magistrats et un personnel de la justice insuffisants et largement dépassés. Rien que pour les affaires pénales, quelque 2,3 millions de dossiers étaient en attente de jugement en 2011. Mais un peu moins d’un million seulement ont été traités. Le reste viendra grossir les affaires de l’année suivant et ainsi de suite. Résultat : si certaines affaires sont liquidées en quelques semaines, d’autres au contraire passent des mois, voire des années dans les dédales des tribunaux. Et à cette décourageante lenteur des jugements s’ajoute la lenteur de leur exécution une fois la décision des juges prononcée. Bref, une justice lourde et inefficace. De surcroît, l’abus de recours aux textes répressifs contribue à engorger les prisons à cause des innombrables cas de détentions provisoires et de gardes à vue. Un surpeuplement carcéral qui aggrave la déshumanisation des établissements pénitentiaires et étouffe leur rôle réformateur. Ce qui a fait dire au directeur des affaires pénales et de la grâce que la « prolifération de textes répressifs fait perdre au droit pénal sa finalité ultime ». Ainsi, si les revendications en faveur du renforcement des effectifs, de l’amélioration des infrastructures judiciaires et de la lutte contre la corruption sont tout à fait pertinentes, l’exigence de l’esprit de créativité chez les juges n’en est pas moins indispensable.

Taieb Cherkaoui est même favorable au recours par les juges aux « amendes administratives » ou à des alternatives à la justice pénale, telle la médiation. Ce serait là de petits pas dans le quotidien de la justice, mais une grande avancée pour la réforme et la modernisation de la justice au Maroc.