Amina Slaoui : «J’invite les partis politiques à prendre en compte la représentation des personnes en situation de handicap »

Amina Slaoui est une femme de conviction et de cœur, dont la prise de parole est rare. A travers un entretien exclusif, elle livre à Labass.net son analyse de la situation des personnes en situation de handicap, ainsi que ses attentes vis à vis des partis politiques, à près d’un mois des élections législatives.
L’année prochaine, l’Association Marocaine des Handicapés(AMH) aura bouclé ses 20 ans. En deux décennies de militantisme en faveur des personnes en situation d’handicap, êtes-vous satisfaits de votre bilan au sein de l’association? 


Oui sans aucun doute, nous avons contribué à améliorer par nos actions la situation des personnes en situation de handicap : création du centre hospitalier Noor de rééducation, construction d’un 2eme centre Noor à Salmia, mise en place du programme d’action à la participation sociale, developpement des services à nos adhérents, action de plaidoyer, pour ne citer que quelques exemples. Néanmoins par rapport à toute l’énergie déployée les résultats sont encore  en dessous de nos espérances et il reste un long chemin à parcourir. Mais nous sommes tenaces et nous continuerons à militer avec force et conviction aussi longtemps que nécessaire .

L’enquête nationale sur le handicap de 2004, avait montré l’ampleur de l’exclusion sociale dont sont victimes les personnes handicapées Elle avait aussi révélé l’inefficacité des mesures juridiques et réglementaires adoptées jusqu’alors. Aujourd’hui, l’association cherche à développer les capacités des acteurs locaux pour renforcer, d’une part l’offre de service médico-social accessible aux personnes en situation de handicap, et d’autre part leur capacités de plaidoyer.


Quelles sont les nouveautés introduites par la nouvelle Constitution en faveur des personnes à mobilité réduite ?
Grande première : la Loi fondamentale a banni la discrimination fondée sur le handicap. Elle a prescrit dans la foulée des mesures positives pour lever les préjudices subis par les personnes en situation d’handicap en tant que groupe social.

Dans la nouvelle constitution, l’article 34 fait obligation aux pouvoirs publics d’élaborer et de mettre en oeuvre les politiques visant à réhabiliter les personnes en situation d’handicap et à garantir leurs droits. C’est désormais un principe constitutionnel. L’Etat est donc appelé à remplir ses obligations conventionnelles et constitutionnelles en concertation avec les organisations des personnes à mobilité réduite. Souvent détentrices d’expertise dans ce domaine, elles sont appelées à participer, au même titre que les autres groupes de la communauté, aux politiques nationales et locales.

Quel impact en espérez-vous sur l’amélioration de l’action publique en faveur de ces personnes?

La prise en considération transversale des droits des personnes en situation d’handicap dans toutes les politiques sectorielles, et l’adoption de programmes spécifiques adaptés aux conditions particulières de cette population.
Comme je vous l’ai dit précédemment la situation des personnes handicapées reste préoccupante. Les politiques non inclusives n’ont pas seulement un impact négatif sur la vie des personnes en situation de handicap, mais sur toute la société. Une étude entreprise récemment a montré que l’exclusion des personnes handicapées du marché du travail coûte à la communauté 2 % de PIB chaque année Les programmes de développement tel que l’INDH ont certes contribué à soulager la souffrance, mais sans apporter le changement escompté dans la vie quotidienne de ces personnes.

L’AMH entame une action en direction des partis politiques. Dans quels objectifs ?

L’AMH  invite les  partis politiques à prendre en compte la représentation des personnes en situation de handicap et leurs familles au sein de la liste nationale des femmes ainsi que dans les listes locales de manière permettant une représentation et une présence réelle et effective de celles ci au sein de l’hémicycle et des différentes instances représentatives
L AMH appelle aussi les  partis politiques  à inclure la question du handicap de façon transversale dans tous leurs programmes, activités et actions, à défaut les dispositions de la nouvelle constitution ne seront  pas respectées  avec toutes les conséquences que cela entraîne au niveau de la constitutionnalité des dispositions prises.
Nous représentons une force électorale non négligeable. Les partis politiques feraient bien d’en prendre conscience.
Outre les Téléthon, l’AMH compte-t-elle sur d’autres sources de financements privées ?

Le téléthon est un lointain souvenir puisque le dernier date de 2002, presque 10 ans. Compte tenu du contexte de notre pays nous n’avons pas pu instaurer une régularité à l’instar des autres pays dans le monde qui organisent des téléthons. Nous avons tenté l’année dernière encore de refaire un téléthon mais notre demande est restée sans réponse (malgré nos relances répétées et persistantes)!
Les autres sources de financement sont des budgets accordés par L’union européenne sur la base de projets ponctuels.
Le centre Noor jouit d’une autonomie financière et ne reçoit aucune subvention de l’Etat ( ni l’AMH d’ailleurs)
Les autres sources de financement proviennent de dons mais cela reste marginal.
L’AMH reste focalisée sur les personnes à mobilité réduite. Ne compte-t-elle pas élargir son action à d’autres catégories, comme les personnes souffrant de handicap mental ? 

Non ce n’est pas à l’ordre du jour. Cependant notre action a un impact non seulement sur la vie des personnes en situation de handicap au sens large mais aussi à toutes les populations marginalisées et qui vivent dans la précarité.

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